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Tribune
Le drapeau de l’État d’Israël n’a rien à faire sur le mât de la Synagogue de la paix
dimanche 6 octobre 2024
Nous reproduisons ici la tribune publiée le 22 septembre dans Rue 89 par Georges Yoram Fedremann, psychiatre et président du MRAP de Strasbourg.
Depuis le pogrom du 7 octobre, le drapeau israélien flotte, avec le drapeau français, sur le mât de la Grande Synagogue de l’avenue de la Paix-Simone Veil (à Strasbourg).
Bien que le Droit local alsacien-mosellan ne considère pas que le fait d’afficher un drapeau étranger sur un édifice religieux constitue une infraction, je m’interroge sur le message envoyé par la synagogue, aux juifs et aux non-juifs.
Je comprends bien qu’il s’agit d’un signe de solidarité avec l’État d’Israël, douloureusement meurtri le 7 octobre, et une prière pour la libération des otages israéliens encore entre les mains du Hamas.
Mais ce symbole me semble aujourd’hui dommageable car il contribue à assimiler juifs et Israéliens, et donc à entretenir une confusion qui participe à la montée de l’antisémitisme.
Pourtant dans les débats publics, nombreux sont celles et ceux qui s’efforcent de faire la distinction, particulièrement dans ce contexte si tendu, et alors que des poursuites pénales internationales sont engagées à la fois contre le Premier ministre d’Israël, M. Benjamin Netanyahou et contre trois leaders du Hamas (dont deux ont déjà été exécutés par Israël qui s’est fait justice lui-même, une fois de plus).
Français juif, je ne me reconnais en rien dans la justification des massacres commis par l’armée israélienne depuis onze mois à Gaza. L’intervention de l’armée israélienne à Gaza a provoqué la mort de plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens, en grande majorité des femmes et des enfants. Elle a organisé la destruction systématique des habitations et des infrastructures, n’épargnant ni les écoles ni les hôpitaux, elle a délibérément conduit à affamer et à priver de soins la population, tout en interdisant l’accès du territoire à la presse. Le choléra, la polio et l’hépatite A ont réapparu. Il n’y a pas à hésiter à parler de génocide.
L’indispensable lutte contre l’antisémitisme, recrudescent en France et en Europe, ne peut que pâtir de ces violences inutiles. En tant que juif, je refuse d’y être un tant soit peu associé.
Comme je dénonce les amalgames grossiers entretenus par les instances de représentation du judaïsme en France accusant d’antisémitisme celles et ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien, un amalgame dont LFI fait les frais chaque jour, avec comme objectif évident d’affaiblir le Nouveau Front populaire.
Juif vivant en France, je soutiens les voix juives qui en Israël parlent de paix, condamnent la guerre de Gaza, dénoncent l’occupation, appellent à la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien et à une solution pacifique qui, seule, apportera la dignité et la sécurité aux peuples palestinien et israélien.
J’affirme en particulier ma solidarité avec B’Tselem (Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les Territoires occupés), Breaking the silence (regroupant des anciens soldats), Standing together (militant pour un avenir commun entre les deux peuples), les jeunes Israéliens refusant d’aller combattre à Gaza ou dans les Territoires occupés et toutes celles et ceux qui s’opposent aux actes criminels menés par Benjamin Nétanyahou et ses ministres.
Israël n’assure pas la sécurité des Juifs du monde entier : en prétendant mener le génocide en cours en leur nom, il confisque leur parole, les met en danger et génère de l’antisémitisme.
Tout le monde n’est pas en mesure de distinguer antisémitisme et antisionisme et la violence d’Israël depuis un an entretient cet amalgame morbide.
D’une façon générale, les lieux de culte n’ont pas à être préemptés par des nations, même si elles les financent en partie. Je trouve cette appropriation critiquable du point de vue du vivre ensemble et de la nécessité, au-delà de nos croyances différentes, d’affirmer que nous faisons société.
Et je me console en déchiffrant la succession des célébrations et des symboles spirituels et religieux pour la concorde et pour la paix, tout en m’interrogeant sur leurs détournements constants et mortifères.
Puisqu’il s’agit bien de la « Synagogue de la Paix », je rappelle que la Paix est inconditionnelle pour chaque sœur et frère en humanité qui peuple la terre. Elle ne peut pas se faire aux conditions du plus fort incarné par le drapeau israélien, pour le moment. Et la devise au fronton : « Plus fort que le glaive est mon esprit » ne doit pas rester lettre morte.