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Prévenir la haine en ligne
jeudi 16 novembre 2023
La rencontre organisée à Metz par le MRAP le 13 novembre 2023 au sujet de la prévention de la haine en ligne a trouvé son public.
Une quarantaine d’enseignants, d’éducateurs, d’animateurs, jeunes étudiants ou en service civique… ou simplement citoyens et citoyennes ont écouté avec intérêt et débattu avec les conférenciers, deux chercheuses de l’Université de Lorraine (du CREM), un responsable associatif et un avocat.
Béatrice Fracchiolla, professeure d’université en sciences du langage a d’abord précisé ce qu’était le discours de haine et les émotions à l’origine d’un discours identitaire et spectaculaire. Elle a donné pour exemple de situation émotionnelle « l’autre me met en danger ». Elle a insisté sur l’importance de développer un sens critique face à toutes les informations parfois tronquées ou mensongères publiées sur le web. Or chez les adolescents le développement du sens critique est mis à mal par les réseaux sociaux. Ceux-ci fonctionnent sur la création de communautés qui enferment : celui qui ne suit pas la ligne est exclu. Si la construction identitaire est un processus normal, elle ne doit pas conduire à isoler des autres.
Bérengère Stassin maître de conférence en sciences de l’information et de la communication a invité à avoir un discours mesuré, le web permettant d’avoir des informations et de trouver des amis dans les communautés en ligne. Elle pointe que, en France le phénomène de harcèlement à l’école est longtemps resté englobé dans la violence jusqu’à ce que des tragédies fortement médiatisées et des enquêtes de victimisation l’en sorte (2010). Elle expose comment les victimes ou leurs proches ont rapidement acquis des compétences au service des autres. Pour elle, harcèlement et cyberharcèlement sont les deux faces d’une même pièce : racisme, sexisme ou homophobie… puisent leurs racines dans les préjugés et les stéréotypes. Et s’il faut continuer à former à la pratique du web, il n’y a pas de politique de prévention de la haine sans éducation.
Jean Louis Lagarde, avocat au barreau de Paris, amené à représenter le MRAP dans différentes affaires pointe d’abord deux enjeux : la défense de la liberté d’expression, un bien précieux et un enjeu démocratique. Pourtant la Loi court après la technique et les adaptations du droit français se sont faites dans un empilement de dispositions qui le rend peu lisible. Le parquet national de lutte contre la haine en ligne a montré dans quelques affaires fortement médiatisées son efficacacité dès lors que des moyens importants sont mobilisés. Mais sans moyens suffisants, des milliers d’affaires restent non traitées. Les textes de base se révèlent souvent décevants quand les plates formes et réseaux refusent d’appliquer la loi française et se réfugient derrière le droit des USA. Un recours collectif a pourtant été gagné contre twitter (mars 2023) l’obligeant à rendre public les moyens humains qu’il consacre à la modération des contenus haineux ; ceux-ci se sont révélés dérisoires.
Vincent Bernard, coordinateur numérique à Borny Buzz, association du quartier de Borny à Metz, a insisté sur les failles d’une éducation qui se limiterait aux bonnes pratiques ou à la critique des GAFAM. Il a souligné l’enjeu d’apprendre aux adolescents à user de leur liberté d’expression. Et invité les adultes à considérer les propos adolescents pour ce qu’ils sont, à entendre le questionnement, le malaise ou la souffrance derrière la provocation. A propos de la loi, il conteste qu’elle donne à des sociétés privées un pouvoir de justice qui doit rester à la puissance publique.
Deux temps ont été consacrés aux échanges avec le public apportant des témoignages et permettant d’approfondir certaines questions.
Une demie journée pour prendre du recul, réfléchir, ne pas céder à la panique mais comprendre que l’éducation demeure essentielle. L’activité éducative du MRAP s’en trouve confortée.
L’enregistrement de la rencontre est accessible sur la chaine youtube de Bornybuzz.