Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples

Comité local de Moselle Ouest, 16 rue Vandernoot, 57000 Metz
07 65 77 56 25 mrap.moselle@wanadoo.fr
Facebook MRAP Moselle Ouest Instagram mrap-metz

Accueil > Mémoire > La nuit des paras

23 juillet 1961

La nuit des paras

lundi 4 décembre 2023

A l’occasion du 40ème anniversaire de la marche pour l’égalité et contre le racisme, le MRAP a tenu à ce que la marche du 2 décembre 2023 parte du pont Saint Georges.

En mémoire des événements racistes particulièrement violents du 23 juillet 1963 que Laura Tared nous remet en mémoire.

Nous sommes ici, sur ce pont Saint Georges où le 23 et 24 juillet 1961, des militaires du 1er régiment de chasseurs parachutistes qui s’est distingué durant la bataille d’Alger de janvier à octobre 1958 et qui a participé le 21 avril 1961 au putsch des généraux pour maintenir coûte que coûte l’Algérie Française vont se livrer à un massacre d’algériens. Le 25 avril, le putsch échoue et le 6 juillet 1961, le 1er RCP est rapatrié, en Moselle, première région militaire. Le 1er RCP s’installe à Châtel-Saint-Germain, et à Montigny les Metz.

Ce régiment aurait voulu continuer la guerre en Tunisie où la France a encore du mal à quitter Bizerte alors que la France a retiré ses troupes du territoire tunisien depuis 1958. Le nouveau président tunisien Bourguiba demande l’achèvement de la décolonisation par l’évacuation de la base navale. La bataille à Bizerte commence le 19 juillet 1961. Le 1er RCP qui était prévu pour participer à cette bataille ne sera pas de la partie, il ronge ses freins. Le 23 juillet, jour de la ratonnade, le bilan en Tunisie est le suivant : côté français, une trentaine de militaires tués et une centaine de blessés ; côté tunisien : 700 morts et la moitié sont des civils. Une victoire de la France contre les arabes, les paras ne sont pas parmi les vainqueurs, ce qui aurait lavé l’affront de l’échec du putsch. Ils arrivent donc à Metz remontés en fanfaronnant dans les rues.

A Metz, environ 2 000 algériens vivent ici même dans le quartier de Pontiffroy.
Un soir, une rixe a eu lieu au dancing Le Trianon de Montigny-lès-Metz ; pour les uns, c’est une bagarre pour empêcher un algérien de danser avec une femme blanche, pour d’autres, une bagarre sans motif particulier, un soldat est blessé à la main. Le lendemain soir, un groupe de parachutistes, se rend au Trianon pour, disent les rapports de police, « identifier et corriger les Nord-Africains responsables de l’incident de la veille ».

Représailles et haine féroce des Algériens alors que la décolonisation est en marche.

Les militaires sont nombreux au dancing, ouvert aux clients ce dimanche 23 juillet 1961. Le militaire blessé la veille croit reconnaître l’un de ses agresseurs. Les premiers coups partent et les Algériens, peu nombreux, fuient l’établissement, les militaires à leurs trousses. Rattrapés, deux Algériens ouvrent le feu : un appelé du contingent meurt sur le coup. Se retrouvant à nouveau face à un groupe de paras, les Algériens tirent à nouveau, tuant un appelé du contingent et le barman du Trianon.
Pour venger la mort de leur collègue, la soixantaine de parachutistes présents dans la boîte de nuitvont chercher des renforts dans les casernes Serret et Raffenel. Plus tard, trois cents « bérets rouges » déferlent sur la ville, par camions militaires, puis quadrillent le centre-ville et le quartier de Pontiffroy par groupe de quinze, armés de bouteilles, de bâtons, de couteaux et d’armes à feu. Tout homme suspecté d’être d’origine maghrébine est violemment frappé. Un Italien est molesté et finit à l’hôpital. Un Algérien, marchand ambulant, est abattu par balles rue Gambetta près du kiosque à journaux. Des algériens sont jetés dans la Moselle. Là, depuis le pont où nous nous trouvons.

Dans ce contexte si particulier, où la guerre pour l’indépendance fait des milliers de victimes sur le sol algérien, la France met en place une véritable répression sur son territoire pour tenter de museler les musulmans qui auraient des revendications.
A l’image de cette haine viscérale des algériens qui demandent leur liberté, la police française, sous les ordres du préfet Maurice Papon, sera responsable du « massacre du 17 octobre 1961 ». Ce soir-là, des centaines d’algériens, qui mani-festaient contre un couvre-feu leur interdisant de sortir le soir, seront littérale-ment torturés, frappés à mort et des dizaines d’entre eux, jetés dans la Seine. Metz préfigure octobre rouge à Paris.

Depuis cette époque et la fin de la guerre d’Algérie, le poids de cette guerre est transposé dans l’espace et le temps. Pour Fausto Guidice la 5 ème République elle-même repose sur l’arabicide de masse tout au long de la guerre d’Algérie et au-delà. D’abord par l’impunité des crimes racistes que les petits enfants de ces anciens colonisés vont dénoncer, par le jeu des amnisties aussi. La preuve : le débat sur l’amnistie des putschistes n’a eu lieu qu’en 1982, soit 20 ans après la fin de la guerre ce qui a fait dire à Pierre Mauroy le 30 septembre 1982 : « il est temps que la guerre se termine ».

Après l’indépendance, les déclarations racistes se multiplient, légitimant les discriminations à l’encontre des Algériens et de leurs descendants.

[(REM) vim: ts=4 ai ]