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Elle s’appelait Delphine

vendredi 7 juillet 2023

Gül Ilbay, L’Harmattan, collection regards Turcs, 2022

Premier roman de Gül Ilbay, écrivaine -traductrice franco-turque qui réside à Metz, « Elle s’appelait Delphine » présente des portraits d’hommes et de femmes attachants dans deux espaces : en France, à Metz, et en Turquie, à Zonguldak, cité minière exploitée au XIXème siècle par des sociétés françaises et belges jusqu’à leur rachat par la jeune République turque dans les années 1920.

Tout comme sa future belle-mère Nuriye, la jeune et belle Sibel n’a pas pu faire d’études. Nuriye, parce que son père s’y est opposé. Elle fut rapidement abandonnée par son amour de jeunesse pourtant voyou, Edip, dont elle aura trois enfants : Ilknur une fille née sourde, Hasan et le fils que son père ne verra pas, Okan. C’est le coût des universités éloignées du village qui pour Sibel fera obstacle à son rêve. Elle ne pourra pas non plus réaliser son désir d’épouser le jeune Osman, victime d’un coup de grisou et d’un effondrement dans la mine qui s’étendait sous la Mer Noire. Sibel va alors connaître les contraintes des traditions matrimoniales locales.

Le roman montre la douleur des femmes piégées dans leur rôle de soumission au père puis au mari. Nuriye subit les choix de son époux : Edip quittera la Turquie pour l’Allemagne où, même si à travail égal son salaire d’électricien est inférieur à celui d’un Allemand, il est gagnant par rapport à celui d’un ouvrier en Turquie. Mais il abandonnera sa famille, la laissant finalement sans argent, sans nouvelle, à la grande honte de Nuriye. Comme beaucoup de Turcs dans les années 80, Nuriye profitera de l’ouverture des frontières sous Mitterand pour rejoindre Metz avec son fils Hasan depuis Francfort où vit son frère. Séparation douloureuse d’avec Okan resté chez les grands-parents, stress d’un voyage depuis le village jusqu’à Zonguldak et l’aéroport d’Istanbul.

Le roman s’attachera au destin d’Okan qui n’a d’autre choix que de rejoindre le pays d’accueil de sa mère : à Metz, ses bons résultats scolaires, ses amitiés avec ses camarades de lycée, en particulier avec la jeune Delphine, laissent espérer une parfaite intégration, à l’opposé de ses proches qui se replient sur les rituels des ancêtres.

Ce livre révèle la difficulté de ces femmes immigrées dans les années 80 d’accéder à une vie plus ouverte sur le pays d’accueil, leur crainte du qu’en dira-t-on du voisinage dans la cité, ce qui renforce le poids des traditions auxquelles les jeunes des 2ème et 3ème générations échappent plus aisément grâce à la scolarité et aux études.

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