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Être français mais devoir le devenir

Ma part de gaulois

Magyd Cherfi, Actes Sud 2016

jeudi 24 août 2023

“Dire que j’écris me gêne, complexe d’ancien pauvre, d’ex-fils-d’immigré, d’épisodique schizophrène car j’suis devenu français. J’ai du mal à écrire car je m’écris et m’écrire c’est saisir une plaie par les deux bouts et l’écarter un peu plus. La plume m’a séparé de mes compagnons d’infortune, tous ces « Mohamed » de ma banlieue nord hachés menus par une société qui a rêvé d’un « vivre ensemble » sans en payer le prix. Je raconte une fêlure identitaire, un rendez-vous manqué. C’était l’année 1981, la gauche arrivait au pouvoir la besace pleine de l’amour des hommes et les premiers Beurs accédaient au bac. Le bac, une anecdote pour les Blancs, un exploit pour l’indigène. Tout était réuni pour cette égalité des droits tant chérie. La promesse d’une fraternité vraie semblait frémir.
Pourtant la rencontre de la France et de sa banlieue n’a pas eu lieu, elle n’a toujours pas vu la lumière car l’exception française persiste, celle d’être français et de devoir le devenir…”
M.C.

Dans cette citation de 4ème de couverture, en quelques mots, Magyd Cherfi situe l’enjeu de son roman.
1981... Il capte avec finesse ce moment important aux ruptures multiples : rupture entre la génération des migrants et celle de leurs enfants nés et scolarisés en France ; rupture dans l’appréciation politique de ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie dans leur chair, pour qui Mitterrand reste le Ministre de l’Intérieur alors que leurs enfants mettent d’énormes espoirs dans l’arrivée de la gauche...
Nous le suivons dans cette espace clos de la rue Raphaël. Son écriture nous donne à percevoir l’enfermement de ces familles arrivées d’Algérie et reléguées dans ce quartier de Toulouse. Sans patos, il nous fait ressentir la difficulté de sortir de cet enfermement ; ce qu’il appelle « sa schizophrènie ».
L’humour, la tchatche permettent le décalage dans cette description d’un quotidien qui parfois pèse lourd. Tiraillé entre l’ambition d’une mère qui le veut héros de la cité et tout le poids de l’époque coloniale, du racisme qui pousse au repli, Magyd Cherfi s’en sort grâce à une énorme énergie qu’il puise dans son optimisme, dans la langue et dans la musique. Il s’en sort mais pas sans bosses, ni plaies. Il exprime très fort à la fois son envie héroïque de tirer tout son monde et son empathie pour ceux qui sont englués dans une situation qui les dépasse.

Magyd Cherfi n’a pas peur des contradictions, il les assume pleinement et c’est ce qui fait la richesse de ce roman. La qualité de l’écriture qui donne à voir, à sentir, à ressentir, sa fraîcheur en font un livre vrai. Malgré le sujet brûlant, il trouve le ton juste pour nous bousculer, nous obliger à penser « l’autre » en nous donnant une leçon d’optimisme.
La question d’Aimé Césaire « Que m’est-il permis d’espérer ? », est celle autour de laquelle tourne Magyd Cherfi. Comme pour Aimé Césaire, ce « moi » est une figure de style, il s’agit d’abord de moi le relégué, moi le discriminé ; c’est aussi un « moi » universel qui interpelle notre société.
François Got
Mrap Lunellois

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