Accueil > Le MRAP a lu > « On ne peut plus rien dire… »
Thomas Hochmann, Onamosa, mars 2025
« On ne peut plus rien dire… »
Liberté d’expression : le grand détournement.
jeudi 28 août 2025
Pour vaincre l’extrême droite, il ne suffira pas de se répondre aux difficultés de vie de la population dont s’empare le discours du RN. Il est indispensable et urgent de lutter contre ses mensonges, ses manipulations et son discours de haine, propagés à longueur de journées sur certains plateaux télévisés, et de protéger la liberté d’expression.
Thomas Hochmann, professeur de droit public à l’université Paris Nanterre, nous propose un court texte indispensable.
La délibération démocratique entre « égaux » ne saurait s’accommoder de la moindre concession au discours de haine, interdisant de fait à ses victimes d’exprimer leurs points de vue. La désinformation contrarie elle-aussi la nécessité d’un débat respectueux d’autrui et se déroulant sur une base factuelle partagée.
Être vivement contredit n’a rien à voir avec la censure. La liberté d’expression ne signifie pas que vos interlocuteurs devront partager vos propos. Et il est souhaitable que certains propos absurdes ou haineux n’aient effectivement plus cours.
Parce que « la haine et le mensonge nuisent gravement à la délibération démocratique », la loi les réprime. L’auteur s’appuie sur des jurisprudences récentes pour préciser les dispositions législatives qui répriment les abus de la liberté d’expression. Il met en évidence la prudence des juges à prononcer des condamnations ou la progressivité que l’ARCOM(1) s’impose dans les sanctions qu’elle prononce, les amendes infligées étant généralement bien faibles par rapport aux moyens des médias incriminés ou aux salaires de leurs vedettes. Le non-renouvellement de la chaîne C8 est intervenu bien tard eu égard au discours mensonger et haineux dispensé.
Tous les propos ne se valent pas. Un détour par la conception des USA opposée à toute restriction des propos de haine éclaire la construction du droit européen. La CEDH (2) accorde une large place aux propos touchant à des débats d’intérêt général mais réprime le racisme et l’intolérance. Cette limitation est fondamentalement une mesure de protection de la liberté d’expression. Enfin, il est nécessaire que la lutte contre la désinformation se concentre sur les manipulations parfaitement établies, à défaut une excessive prudence pourrait entrainer une autocensure des acteurs honnêtes et déconsidérer les propos mis en cause à juste titre par la mécanique bien connu du cri galvaudé « au loup ».
Dans le dernier chapitre, jurisprudences à l’appui l’auteur démontre, entre autres que même au moyen de propos choquants ou excessifs la critique de la politique menée par le gouvernement israélien ne relève pas de l’antisémitisme et n’est pas légalement condamnable.
En conclusion, retenons que l’application des lois existantes contre les orateurs d’extrême droite et les médias qui en propagent les idées est une dimension incontournable de la lutte contre l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
« On ne peut plus rien dire… »
Liberté d’expression : le grand détournement.
Thomas Hochmann, Onamosa, mars 2025
5€
(1) Autorité de Régulation de la COMmunication audiovisuelle et numérique.
(2) Cour européenne des droits de l’Homme.