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Nous reproduisons un article signé de Jacques Vénuleth et paru dans Différences 323
L‘épreuve de la discrimination : enquête dans les quartiers populaires
ouvrage collectif dirigé par Julien Talpin, PUF 2020
jeudi 17 août 2023
Comment parler de l’immigration aujourd’hui sans évoquer le sort fait à ceux que l’on continue de qualifier, génération après génération, d’ « issus de l’immigration » ? Quel est ce concept étrange ? Un immigré, on sait ce que c’est, on le définit : une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France, en ayant acquis ou non la nationalité française.
En combinant droit du sol et volonté exprimée, les enfants ne sont plus qualifiés d’immigrés, et cela marche très bien, sauf donc avec ceux pour lesquels on a inventé cette qualification « issus de l’immigration », et qui appartiennent tous à une immigration non seulement extracommunautaire, mais clairement postcoloniale.
(...)
Ces derniers restent l’objet d’une discrimination ethnoraciale, discrimination qui fait parfois débat, autant pour ceux qui pensent que cette catégorisation n’est pas républicaine, que pour ceux qui la perçoivent comme un affaiblissement de la lutte des classes, débat qui ajoute à la difficulté de la combattre. Pourtant comment parler de l’accueil des nouveaux migrants sans aborder cette question du sentiment d’exclusion de la nation ressenti par une frange de notre population citoyenne de longue date ?
Un ouvrage récemment paru au PUF et coécrit par un ensemble de sociologues permet de bien cibler cette discrimination et d’analyser ses effets. Il s’agit de « L‘épreuve de la discrimination : enquête dans les quartiers populaires ».
Ce livre pointe un contexte national peu favorable à la dénonciation de ces discriminations par ceux qui les subissent « … sous peine de se voir rétorquer qu’elles se « victimisent » ou seraient « communautaristes » ».
Il souligne également « le peu de moyens et d’énergie consacrés aux politiques de lutte contre les discriminations, sur nos terrains comme ailleurs. Celles ci ont depuis 2015 quasiment disparu, remplacées par des politiques de prévention de la radicalisation et de promotion des valeurs de la République »
Il conclut en confirmant suite à l’étude de terrain « l’ampleur des discriminations, notamment ethnoraciales, et leurs incidences décisives sur les parcours de vie, les sentiments d’appartenance collective et le rapport au politique des habitants des quartiers populaires »
Une conclusion à apprécier à l’examen des derniers résultats électoraux nationaux dans ces quartiers, qui montrent conjointement une abstention nettement au-dessus de la moyenne nationale, ainsi qu’un soutien aussi remarquable aux forces de gauche.
Dans ce contexte et pour finir, soulignons l’ambiguïté des positions prises par le maire socialiste de Montpellier, qui d’un côté appuie la demande nationale d’un vote des étrangers pour les élections locales et met en place un conseil du même nom , ce qui correspond à nos attentes et demandes , mais d’un autre coté ne parvient guère à faire évoluer le vécu des populations ghettoïsées de certains quartiers de la ville.
