Mouvement contre le Racisme
et pour l’Amitié entre les Peuples

Comité local de Moselle Ouest, 16 rue Vandernoot, 57000 Metz
07 65 77 56 25 mrap.moselle@wanadoo.fr
Facebook MRAP Moselle Ouest Instagram mrap-metz

Accueil > Le MRAP a lu > « L’homme qui lisait des livres »

Rachid Benzine

« L’homme qui lisait des livres »

Julliard

dimanche 2 novembre 2025

« L’homme qui lisait des livres » de l’écrivain enseignant et politologue franco-marocain Rachid Benzine est une véritable fable qui en racontant l’histoire du peuple palestinien et loin de hurler la haine, défend la dignité face au malheur.

Le héros, Nabil Al Jaber est un libraire palestinien d’une soixantaine d’années qui ouvre quotidiennement parmi les ruines de Gaza sa librairie et attend le lecteur au milieu de ses livres entassés. Un jour, un jeune photographe français, Julien Desmanges, envoyés par son journal pour saisir des photos impressionnantes dans les quartiers martyrisés, arrive dans un secteur moins délabré et découvre ce vieil homme qui lit, adossé au mur de sa librairie. Pour lui, les livres sont des porteurs de mémoire, un moyen de refuge, de résistance. Au moment où il veut capturer dans son appareil ce moment de quiétude, le libraire l’interpelle, l’invite à boire un thé et lui explique qu’il ne peut saisir un instant d’une existence sans connaître toute une histoire qui se cache derrière un regard. « Ne croyez-vous pas qu’un portrait gagne à ce qu’on connaisse ce qui est caché ? … N’y a-t-il pas derrière tout regard une histoire ? Celle d’une vie. Celle d’un peuple. » Les propos de Simone Weil en exergue soulignent que « seul un être prédestiné a la capacité de demander à un autre « Quel est donc ton tourment ? »
En s’adressant tant à Julien qu’il tutoie, qu’à nous, lecteurs, Nabil va retracer son odyssée depuis sa naissance près d’Haïfa en 1948, date qui correspond à la Nakba palestinienne, à travers les guerres qui ont secoué la Palestine : il raconte les drames vécus, l’exode, la vie précaire dans les camps de réfugiés d’abord à Jabaliya, les pertes dans sa famille, la prison, ses amours et ses moments de bonheur liés au théâtre. En racontant sa vie intime, il évoque que son amour pour la littérature du monde, les livres sont la chance lui permettant de triompher des horreurs vécues par la Palestine.
Ce court roman évoque la puissance des mots pour survivre au chaos. Nabil est l’image de ce qu’est un homme bon pendant la guerre : en nous amenant à écouter sa voix, lui qui a tout perdu, il redonne une humanité à toutes les victimes des drames qui se sont joués à Gaza durant trente-huit ans. Lui qui lit parmi les ruines, il refuse de céder à la nuit. Chaque chapitre du livre est entamé par une rencontre avec un auteur, Shakespeare, Mahmoud Darwich, Primo Levi, Frantz Fanon, Malraux comme si ces textes étaient écrits pour lui qui, refusant de hurler sa haine, n’a cessé de lire surtout durant les vingt ans passés en prison pour ne pas s’effondrer, pour résister. Le libraire attend le lecteur et veut transmettre ce pouvoir d’écouter l’autre. La lecture dans une époque de crise est un réel acte de résistance. Ce livre est un hommage à la littérature et à ceux qui lisent.

[(REM) vim: ts=4 ai ]